des interventions d’animation

Les interventions d’animation sont des prises de parole généralement brèves et insérées dans le cours des échanges. Elles visent à soutenir les processus de groupe d’affiliation, d’intelligence, d’organisation, d’interinfluence, de médiation et de production de manière à atteindre les objectifs de la réunion. 

Elles peuvent prendre différentes formes et se décliner en une infinité de variations en fonction du contexte et à la culture du groupe, du style et des propensions de la personne qui intervient. La formulation exacte des interventions d’animation est secondaire en regard de l’objectif poursuivi par l’animatrice ou l’animateur et leurs impacts sur les processus de groupe. Les interventions d’animation ne se limitent pas à une liste ou des types de phrases. Toutes interventions qui encouragent et stimulent l’affiliation, l’intelligence, l’organisation, l’interinfluence, la médiation et la production du groupe sont des interventions d’animation. 

Comme les interventions de conduite de réunions, les interventions d’animation se déploient sur les plans cognitif, affectif et spatiotemporel. En les croisant avec leurs visées liées aux processus de groupe, on obtient une nouvelle matrice qui précise la carte du territoire à couvrir pour chacune des étapes de la réunion, de l’ouverture à la clôture. L’animateur ou l’animatrice intervient sur les plans cognitifs, affectifs et spatiotemporels de manière à favoriser l’émergence et le bon déroulement des processus d’affiliation, d’intelligence, d’organisation, d’interinfluence, de médiation et de production. Les interventions d’animation sont toujours présentes à chaque étape de la réunion. Elles sont toutefois prépondérantes durant le corps de la réunion. 

des exemples d’intervention d’animation

Dans les tableaux qui suivent, les interventions d’animation mentionnées doivent être prises strictement comme des exemples. Plusieurs autres interventions pourraient être réalisées. Par exemple, il peut s’avérer souhaitable pour l’affiliation de laisser les membres parler d’autre chose. Ne pas intervenir alors que des membres racontent une histoire et que l’ensemble des membres écoute avec attention peut solidariser legroupe. Pourtant, on ne retrouvera pas dans les tableaux ci-dessous « Laisser les membres parler d’autres sujets » à titre d’intervention d’animation. De même, la présence de blagues et d’humour peut favoriser la médiation des tensions interpersonnelles sans être identifiée comme une intervention d’animation.

Les interventions d’animation tiennent de l’art, du savoir-faire. Il ne s’agit pas de phrases, question ou technique à utiliser mécaniquement. L’animation n’est pas une recette ou un algorithme à répéter. Les interventions précises comme la question ouverte, la reformulation, le résumé et la synthèse, la sensibilisation au temps, etc., sont des outils qui servent à favoriser l’affiliation, l’intelligence, l’organisation, l’interinfluence, la médiation et la production. De plus, si le style d’intervention (formulations décontractées ou plus officielles, niveau de langage, prise de parole fréquente ou non, etc.) se doit d’être en accord avec le contexte organisationnel de la réunion (attentes des membres, normes, pratiques, etc.), il se doit aussi d’être cohérent avec les propensions de l’animatrice ou de l’animateur. Chaque personne interviendra différemment, même en poursuivant les mêmes buts.

Par ailleurs, les interventions d’animation n’ont pas à être émises uniquement par l’animatrice ou l’animateur. Des membres peuvent les reprendre à leur compte. Ou même, l’animatrice ou l’animateur peut solliciter les membres pour effectuer ces interventions. Par exemple, l’animatrice ou l’animateur ne connaît pas bien le sujet traité, il·elle peut inviter les membres à faire ressortir les liens entre les propositions en discussion. De même, il·elle pourrait demander à des membres d’expliquer certains termes aux autres membres.

des interventions d’animation favorisant l’Affiliation

Les interventions favorisant l’affiliation au groupe visent à faire émerger un cadre d’appartenance identitaire, affectif et matériel commun et à faire percevoir l’interdépendance des contributions des membres. Elles soutiennent l’engagement des membres envers la réunion et ses objectifs.

Sur le plan cognitif, on encouragera, par exemple, les verbalisations concernant l’identité et prestige du groupe , les réalisations des membres et leurs retombées positives pour les membres . On utilisera la reformulation de contenu pour que les personnes perçoivent qu’elles sont écoutées et comprises. On soulignera les points communs. On soutiendra les manifestations d’ouverture aux désaccords, les blagues privées et les métaphores communes qui contribuent à la construction identitaire du groupe, etc. 

Sur le plan affectif, on cherchera à faire émerger des interactions positives entre les membres et entre la tâche et les membres. On accueillera chaque participant-e, peu importe son statut. Durant les échanges, on s’assurera d’avoir de « l’huile dans le cou », c’est-à-dire qu’on balayera du regard l’ensemble des membres. Ce balayage permet d’enregistrer une foule d’indices sur l’état des participants·es, leurs intérêts, leurs résistances, leur désir de prendre la parole, etc. On démontrera une attention aux réactions affectives non verbales. On encouragera les verbalisations concernant : l’intérêt de la tâche et l’intérêt à l’accomplir ensemble. On soutiendra les manifestations d’approbations mutuelles, les commentaires positifs, le plaisir à participer. Dans la mesure du possible, on introduira un peu d’humour. Etc.

Sur le plan spatiotemporel, on signalera qu’on a vu les demandes de parole. On favorisera les manifestations de rituels d’inclusion, par exemple en encourageant la« prise de nouvelles » entre les membres en début de rencontre. On soulignera l’interdépendance des actions et de leurs conséquences. On soutiendra les modifications à la disposition spatiale favorisant un rapprochement, les échanges de coordonnées entre les membres, etc. 

des interventions d’animation favorisant l’Organisation

Les interventions favorisant l’organisation du groupe visent à coordonner et structurer le travail et les interactions. Elles soutiennent l’émergence de pratiques communes acceptées par les membres.

Sur le plan cognitif, on cherchera, par exemple, à orienter la discussion vers les objectifs, à expliciter les attentes, les normes et les rôles. On résumera et synthétisera les propos des membres. 

Sur le plan affectif, on tolérera les silences pour favoriser la prise de paroles des membres plus retraits, on stimulera les interactions entre les membres. On reflétera le climat affectif pour favoriser l’autorégulation. On suscitera des occasions d’échanges informels. Etc.

Sur le plan spatiotemporel, on organisera l’espace en s’assurant que chacun·e se voit et s’entend . On proposera ou on tentera de faire émerger des procédures. On précisera ou on fera préciser qui fait quoi, où,quand, comment et dans quel but ? On rappellera le temps qui reste, ici encore, afin de favoriser l’autorégulation des interventions, etc.

des interventions d’animation favorisant l’Intelligence du groupe

Les interventions favorisant l’intelligence du groupe visent à réduire l’incertitude inhérente à la tenue d’une réunion en soutenant le partage de l’information et la compréhension mutuelle. Elles soutiennent l’élaboration d’une représentation commune de la situation capable d’orienter l’action du groupe et d’accroître sa capacité à composer avec les problèmes.

Sur le plan cognitif, on cherchera, par exemple, à cadrer la réunion, c’est-à-dire lui donner un sens aux yeux des membres. On énoncera, non seulement l’objectif de la réunion, mais aussi le pourquoi de l’objectif. On favorisera l’élaboration d’une compréhension commune, d’histoires partagées de la réunion et de ses suites. On facilitera l’appropriation des contenus en invitant à définir, expliciter et préciser les termes et les acronymes utilisés au besoin à l’aide d’exemples ou d’analogie. On fera ressortir les aspects constructifs des critiques. On s’efforcera de rappeler les informations délaissées. Etc.

Sur le plan affectif, on recevra les réactions affectives des membres face aux idées émises. On reflétera les manifestations non verbales d’accord et de désaccord. On encouragera l’expression de la critique sous-jacente à ces réactions. On fera ressortir les connotations affectives des termes. On suscitera lescommentaires . On vérifiera les consensus rapides. En fin de réunion, on invitera les membres à suggérer des améliorations au déroulement de la réunion afin de permettre d’exprimer ce qu’ils·elles ont aimé ou moins aimé. Il s’agit de favoriser l’autorégulation du groupe en ramenant dans le groupe des commentaires qui autrement s’exprimeraient en dehors de la réunion.

Sur le plan spatiotemporel, on informera les membres à propos du où, qui, quoi, quand et du contexte de la réunion. On structurera la prise de décision de manière à ce que chacun·e puisse exprimer son opinion et de manière à prendre le temps d’examiner les inconvénients de chaque proposition.

des interventions d’animation favorisant l’Interinfluence

Les interventions favorisant l’interinfluence visent à susciter la rencontre et la négociation des différents points de vue. Elles soutiennent la discussion et l’écoute des points de vue divergents et des critiques.

Sur le plan cognitif, on fera des liens entre les propositions. On rappellera les précédentes interventions en tentant de dégager des éléments communs ou opposés. On contextualisera les oppositions et les conflits.Par exemple, l’animatrice ou l’animateur pourrait dire quelque chose comme : « Les équipes dont les membres ont des expertises très variées, comme la nôtre, prennent habituellement plus de temps pour développer un langage commun. Il faut prendre le temps d’essayer de voir comment on peut parfois parler de la même réalité avec des mots différents ». Etc.

Sur le plan affectif, on tentera d’objectiver des interventions chargées émotivement, c’est-à-dire qu’on en reformulera le contenu sans retenir l’aspect émotif. On maintiendra un contact visuel, bref, mais répété avec les différentes parties en opposition. On tentera de maintenir une position d’intermédiaire neutre et crédible aux yeux des membres. Etc.

Sur le plan spatiotemporel, on veillera à équilibrer les prises de parole de manière à susciter la participation des personnes plus silencieuses et à réfréner les personnes les plus volubiles. On cherchera à résoudre rapidement les conflits de procédures. On préviendra les iniquités dans la répartition des tâches. Etc.

des interventions d’animation favorisant la Médiation

Les interventions favorisant la médiation visent à aider le groupe à composer avec les contraintes et les opportunités liées au contexte de la réunion. Ces contraintes et opportunités peuvent être internes (diversité culturelle, d’âge, d’expertise, etc.) ou externes (appartenance à différents groupes, à la réunion. Ces interventions soutiennent l’utilisation des ressources personnelles et matérielles pour atteindre les objectifs. La notion de ressources étant ici comprises comme tout moyen qui permettent de passer à l’action, incluant les ressources non matérielles comme les contacts personnels et les expertises. 

Sur le plan cognitif, on mentionnera les contraintes connues qui s’exercent dans la situation et lesopportunités qui se présentent en regard des objectifs poursuivis. Il s’agit d’éclairer les forces positives et contraires qui affectent la poursuite des objectifs de la réunion. Cela peut être très simple. Par exemple, onmentionnera explicitement que le projet justifiant la réunion n’a qu’un budget limité, mais que la direction le trouve intéressant et porteur. On pourra ensuite inviter les membres à présenter les ressources dont elles·ils disposent. On cherchera à faire « sortir » de nouveaux éléments. On présentera les diverses appartenances des membres comme autant de ressources potentielles. Etc.

Sur le plan affectif, on invitera les participants·es à verbaliser leurs craintes et leurs intérêts contextuels àl’égard des objectifs poursuivis. On vérifiera dans quelle mesure elles·ils seraient à l’aise à recourir à telle ou telle ressources. Etc.

Sur le plan spatiotemporel, on tentera de maximiser l’utilisation des ressources personnelles et matérielles  : contacts, espace, expérience, disponibilités, technologies, etc. On évaluera l’utilisation ou l’adaptation de techniques d’animation appropriées  : 6/6, buzz, groupe nominal, etc. De même, on utilisera des technologies appropriées : crayons/papier, électroniques, interactives, etc. 

des interventions d’animation favorisant la Production 

Les interventions favorisant la production du groupe visent à promouvoir l’atteinte des objectifs de la réunion. Elles soutiennent l’accomplissement des tâches et les contributions des membres. Elles consistent à interpréter le travail et les discussions en cours en regard des objectifs poursuivis. 

Sur le plan cognitif, on rappellera les objectifs et on s’assurera qu’ils sont compris et partagés . On précisera des objectifs spécifiques . On clarifiera les tâches . On identifiera des critères d’évaluation pour juger de l’atteinte des objectifs. Etc.

Sur le plan affectif, on cherchera à ce que les préférences des membres dans la répartition des tâches soient prises en considération. Face à des opinions ou propositions opposées ou conflictuelles quant au travail à faire, on essaiera de conserver le conflit dans la sphère du cognitif et surtout on tentera d’éviter qu’il ne se transforme en conflit relationnel. Auquel cas, on aura recours à des interventions associées aux processus de médiation, comme l’objectivation, en reformulant le contenu des interventions sans personnaliser. On s’efforcera de rester complice avec les personnes et que les personnes en opposition restent aussi complices.

Sur le plan spatiotemporel, on suggérera de discuter la répartition des tâches et des ressources nécessaires. On vérifiera quelles tâches doivent être accomplies en réunion par tout le groupe. On identifiera celles qui pourraient être réalisées par des sous-équipes, ou qui pourraient être faites en dehors des réunions. On veillera à l’enchainement des tâches. On s’assurera que les tâches réalisées en réunion nécessitent les ressources du groupe. Etc. 

Tableau synthèse d’exemples d’interventions d’animation

de l’enchevêtrement des interventions d’animation

Les interventions d’animation débordent généralement leurs visées premières. Elles peuvent affecter simultanément plusieurs processus de groupes. Par exemple, si dans le but de favoriser l’interinfluence entre les membres, on rappelle aux membres des interventions critiques qui ont été émises plus tôt, on favorise simultanément l’intelligence du groupe et une meilleure prise de décision. Ce même rappel d’une précédente intervention pourrait aussi affecter l’affiliation. La personne qui a émis l’idée pourrait se sentir considérée et les autres membres pourraient apprécier cette attention. Ce qui accentuerait leur affiliation au groupe. De même, en contextualisant l’opposition entre certaines idées émises, on contribue à l’élaboration d’une histoire commune, on cadre le débat et favorise l’intelligence du groupe. Aussi, ce n’est pas l’intervention en elle-même qui importe, mais plutôt le fait de soutenir les processus d’affiliation, d’intelligence, d’organisation, d’interinfluence, de médiation et de production  à l’aide d’intervention sur les plans cognitif, affectif et spatiotemporel.

de l’apprentissage de la conduite et de l’animation d’une réunion

La conduite et de l’animation d’une réunion constituent un savoir-faire qui mobilise toute la personne et s’intègre à sa manière d’être en interaction avec les autres. Elles s’appuient la connaissance du fonctionnement et du développement des groupes, ainsi que sur la connaissance des différentes techniques pouvant être déployées.

L’apprentissage de la conduite et de l’animation d’une réunion passe par la pratique. La mise en application répétée des différentes grilles de préparation, de même que l’observation d’animatrices ou d’animateurs en action sont favorables à l’apprentissage des interventions de conduite et d’animation de réunions. Par ailleurs, recevoir une rétroaction directe de la part des participants·es est une source précieuse de développement de raffinement de ses habiletés.